« Il est 8 heures du matin, tout de suite dix hits à la suite. » Ma main ne se fait pas prier et s’abat sur mon réveil. Ce matin, pas de hits à la suite. Un bon café fera l'affaire. Et pour cause, j'ai décidé de faire une surprise à ma petite sœur, qui doit sûrement dormir à poings fermés à l'heure qu'il est. Contrairement à moi, elle n'est pas du genre à se lever aussi tôt, bien qu'en y repensant moi non plus. C'est bien pour ça que ce fichu réveil a fait des siennes il y a à peine quelques secondes. Quoi qu'il en soit, la bonne humeur est là à l'idée de retrouver ma petite moitié et c'est là le principal à mes yeux. Par chance, je ne suis pas saoule et pourtant dieu sait que j'ai un peu trop abusé sur l'alcool hier soir, dans un bar du centre de Paris. Personne à côté de moi, preuve que j'ai été sage. Et je dois avouer que cela m'étonne. Peut-être est-il parti dans la nuit ? Pour m'en assurer, je prends soin de sentir mon voisin le coussin, qui, à mon plus grand soulagement, ne sent pas le parfum prononcé d'un homme. Un bon point pour me mettre de nouveau de bonne humeur. Mon pied droit se dépose sur un des tapis entourant mon lit, tandis que le gauche semble voir plus de mal. Ma main se dépose sur mon front, alors qu'une légère douleur s'empare de moi. Le whisky commence à faire son effet, à mon plus grand désespoir. C'est après avoir attrapé de quoi faire l'affaire pour m'habiller que je me dirige vers la salle de bains. Une bonne douche, rien de mieux pour oublier mon mal de tête. J'imagine déjà la tête de Marissa. Je risque de me prendre sa mauvaise humeur au nez, mais je m'en fiche bien, je me rattraperais avec le petit déjeuner. Elle ne pourra plus m'en vouloir quand elle jettera un coup d’œil aux croissants et aux pains au chocolat venant de la boulangerie du coin de sa rue.

« Debouuuut flemmarde! C'est la grande sœur, tu sais celle que tu vas sûrement détester d'ici peu ! » Un sourire se place sur mon visage, alors que je me retiens de rire. Elle a bien de la chance que je n'ai pas les clés, car elle serait sûrement surprise d'une éventuelle entrée fracassante dans sa chambre. Le réveil à la casserole, qui ne l'a pas déjà fait au moins une fois dans sa vie ? Une chose était sûre, j'étais prête à recevoir quelques jurons une fois qu'elle ouvrirait cette fichue porte. Enfin ça, c'était dans le cas où elle déciderait de l'ouvrir. Rien ne m'assurait qu'elle le ferait. Mais surtout, rien ne m'assurait qu'elle m'avait entendue. De quoi pouvoir poireauter jusqu'à son réveil derrière cette porte blanche assez banale. Toujours personne. Prenant soin d'essuyer mes pieds sur la paillasson, je pris soin de me retenir face à l'odeur des pains au chocolat toujours dans le petit sac que la boulangère m'avait délicatement confié. Et dire qu'elle ne m'avait sûrement pas entendue. Sœur indigne n'est-ce pas ? Je fais tout mon possible pour lui faire passer une matinée agréable et voila que je me retrouve dans le couloir du bâtiment abritant son appartement, les pieds joints, le regard rivé sur le plafond. Oui parce que ça aussi c'est typique, regarder le plafond quand on a rien d'autre à faire. Je commence à m'impatienter quand la porte s'ouvre enfin sur son petit visage ébouriffé.

La nuit avait été un enfer. Vraiment, un véritable enfer. Déjà, j'ai eu du mal à m'endormir. L'autre débile de Tim m'a fais chier jusqu'à pas d'heure pour se choisir des vêtements. Quelle idée de se faire beau pour.. je sais même plus pourquoi d'ailleurs ! Enfin passons.. je me suis donc couché tard. Une fois dans mon lit, j'ai eu du mal à m'endormir, alors j'ai regardé un film. Le film était long.. et finalement, je me suis endormie devant. Deux heures après, je me suis réveillé. Mon ordinateur venait de s'éteindre et bizarrement, ça m'a réveillé, comme si le bruit de l'ordinateur me berçait pour que je dorme. J'ai donc éteint l'ordinateur et j'ai à nouveau essayé de dormir. J'ai mis peut-être entre.. trente minutes et une heure pour me rendormir, et avec du mal. Ce matin, il était tôt, Tim viens me réveillé. Il était habillé, bien, beau. Cool. Et là il me demande si ça va.. si on devait pas changer la cravate ou même la chemise. J'ai cependant gardé mon calme, lui expliquant que la veille on en avait parler jusqu'à minuit et demi et qui si tout était parfait hier, ça n'a pas changé en même pas six heures de temps. Il a souris et m'a fais un bisous sur la joue, avant de prendre ses clefs et de partir. J'ai tenté de me rendormir, mais rien non plus.. alors je me suis dis que la télé aurait pu me bercer. Je me suis mise devant et j'ai enfin réussi à m'endormir à nouveau. Il était peut-être aux environs de huit heures et demi, neuf heures, quand j'entendis la porte faire un bruit infernal. Je me suis dis que Tim avait oublié quelque chose.. et puis j'ai entendu « Debouuuut flemmarde! C'est la grande sœur, tu sais celle que tu vas sûrement détester d'ici peu ! » A ses mots, j'écrasais l'oreiller sur mon visage et marmonnais des choses incompréhensible.

Pile quand j'arrive enfin à dormir un peu, elle se ramène. Je me levais avec du mal et ouvrait la porte. J'avais une tête certainement très affreuse puisque je n'avais presque pas dormi de la nuit. «  Qu'est ce que tu fous là ? T'a pas du boulot ? ». J'ouvrais la porte pour qu'elle entre.. bon, c'était un peu le bordel, mais c'était vivable. Habituellement c'est pire avec Tim, alors là, ça va. Elle entra et je m'étalais à nouveau sur le canapé. «  Je vais bien, tout va pour le mieux, je mange bien et c'est cool, si tu pouvais repasser genre.. demain, ou dans huit semaines, ce serait sympa. » J'enfouis ma tête dans l'oreiller, encore fatigué. «  tu sais.. quand on viens chez quelqu'un.. techniquement on préviens.. on envoie un sms, on appelle.. on se ramène pas à HUIT HEURES ET DEMI DU MATIN. » Ok, je commençais à perdre un peu le contrôle là.. je perdais juste un peu mon calme, mais tout va bien. Tout va bien.

Et dire que j'étais bel et bien devant sa porte. J'avais eu du cran pour en arriver là, car je savais à quel point la vengeance de ma petite sœur pouvait être cruelle, en tout bien tout honneur bien sûr. Car au fond, on avait toujours été liées comme les cinq doigts de la main. A part sur un seul point, autrement dit sur son orientation sexuelle. Mais ça, c'était une toute autre histoire. Je ne venais pas de si bon matin pour lui parler de ça - et après tout c'était bien son choix et j'essayais malgré tout de m'y faire - mais pour passer un bon moment en sa compagnie. Du moins, si elle était prête à me pardonner pour le réveil assez brutal made by Crys'. J'avais donc attendu un petit moment avant de tomber sur sa petite tête d'ange. Et oui, même au réveil elle était à croquer. Rien n'avait changé. Enfin si, depuis mon départ pour Paris, plus de petite sœur pour me sauter dessus de bon matin. A l'époque, c'était elle qui prenait soin de me réveiller, à croire que moi aussi je me vengeais quelque part. Une gentille vengeance toutefois ! Soyons clairs, jamais je ne serais capable de lui faire quoi que ce soit, nous avons déjà bien trop souffert comme ça. Même si nous n'en avons jamais réellement parlé, je me doute qu'elle a été elle aussi victime de la perversité de notre beau-père. Peut-être arrivera-t-elle un jour à tout me dire. Qui sait ? Moi même j'ai encore du mal à oublier. Heureusement, sa voix me ramène sur Terre. « Qu'est ce que tu fous là ? T'a pas du boulot ? » « Tout de suite les grands mots ! Sois plutôt heureuse que je sois là je sais pas moi, accueille ta sœur comme il se doit ! Un bisous par exemple pour commencer peut-être ? » J'aime la taquiner, c'est un de mes passe-temps favoris. Je vais même jusqu'à lui tendre la joue, sachant pertinemment qu'elle n'osera pas l'ignorer.

« Je vais bien, tout va pour le mieux, je mange bien et c'est cool, si tu pouvais repasser genre.. demain, ou dans huit semaines, ce serait sympa. » Pour y aller fort, elle y va fort. Par chance, j'ai encore la certitude qu'une fois réveillée, elle se montrera plus clémente avec moi. Au fait, c'est donc ça aller bien ? Bien manger ? Je crois qu'elle a oublié quelques trucs, mais on mettra ça sur le compte de la fatigue. Elle s'étale de nouveau sur le canapé et trouve la force d'ajouter quelques mots. « tu sais.. quand on viens chez quelqu'un.. techniquement on préviens.. on envoie un sms, on appelle.. on se ramène pas à HUIT HEURES ET DEMI DU MATIN. » Bon, elle a pas si tort que ça, mais ça fait bien une semaine qu'on s'est pas vues, alors j'avais mes raisons non ? « Sans passer pour la fille qui se rapproche plus de ses trente ans que de ses dix-huit, je te ferais dire qu'on dort la nuit. Et c'est pas en te levant à treize heures que tu vas profiter de ta journée. Bon d'accord je sais que tu vas me dire que moi aussi je fais pareil quand j'en ai la possibilité mais ça veut pas dire... Enfin... Hey j'te parle ! » J'hausse la voix, alors que je vois ses yeux se fermer lentement, mais sûrement. J'ai toujours eu tendance à trop parler et en ce moment, ça a toujours tendance à endormir ma petite sœur, allez savoir pourquoi !

« Je savais bien que t'allais réagir comme ça, mais j'ai prévu ta consolation ! Allez, t'es obligée de me pardonner avec ça, je te prépare même le chocolat chaud en prime. Si ça, c'est pas avoir une sœur géniale ! » Je me mords la lèvre, prête à rire, alors que j'ouvre délicatement le paquet de viennoiseries sous le nez d'Hélène. Si ça ça ne la réveille pas, c'est vraiment que j'ai raté quelque chose chez elle. Elle ne peut pas dire non à une telle odeur. A vrai dire, elle n'a même pas le temps de faire quoi que ce soit que je me dirige déjà vers la cuisine, faisant comme chez moi. Ou plutôt comme chez elle. Une tasse, du chocolat, et hop là boum c'est parti !